Après la musique, place au cinéma sur ce blog ! Et quoi de mieux pour commencer qu'une histoire aussi universelle et touchante que celle de Captain Fantastic, où les enfants (semi) sauvages sont mis à l'honneur ? Aujourd'hui, je commence donc mes critiques cinématographiques par le dernier film de Matt Ross, avec en tête d'affiche Viggo Mortensen. Je vous conseille bien sûr de voir le film avant de lire cette critique, vous en profiterez beaucoup plus.

Captain Fantastic // Matt Ross

Synopsis

Captain Fantastic, film au nom de super-héros (et cela a son importance) est l'histoire d'un père qui décide d'éduquer ses enfants en dehors de la civilisation américaine, c'est-à-dire dans une forêt, sans autre moyen de communication avec la société que leur bus Steve. Steve porte d'ailleurs bien son nom, puisque contrairement à chacun des six enfants, qui a un nom original inventé par les parents, Steve a le prénom typique américain.

On apprend après une mise en situation qui ne plaira pas à certains vegans, que la mère des enfants, apparemment malade, s'est suicidée. Or la famille de celle-ci entend faire un enterrement dans les règles chrétienne, alors que la mère, bouddhiste, souhaitait une crémation. S'ensuit alors un véritable sauvetage des enfants et du père, qui vont tout faire exaucer les derniers souhaits de la femme de leur vie. 

Idéal d'éducation

Plus encore que l'histoire d'un sauvetage, le film pose surtout la question de l'éducation des enfants. Ben veut transmettre à ses enfants une éducation différente, et la forêt dans laquelle il les emmène semble hors du temps, hors du monde. Cet idéal platonicien, le spectateur ne peut pas être contre; le film prend un parti-pris intelligent pour cet homme idéaliste. Pourtant, même si l'on peut voir le grand-père comme un personnage autoritaire et sans coeur, il faut avouer qu'il n'a pas toujours tort. Et la fin offre un compromis qui pourtant n'oublie pas ses personnages (à part les grands-parents, qui disparaissent complètement). 

Non seulement Ben apprend à ses enfants à se débrouiller dans la nature, parfois de manière un peu brutale (il offre des armes à ses plus jeunes enfants, leur fait faire de l'escalade dans des falaises vertigineuses), mais il leur inculque aussi des connaissances académiques, grâce à des lectures assidues et à un véritable projet d'expression. La parole est d'une grande importance dans tous le film; non seulement Ben est toujours franc avec ses enfants, il ne prend aucun détour et ne se cache pas derrière des mots qui ne veulent rien dire, mais en plus il leur apprend à exprimer leurs sentiments, à bien utiliser une parole souvent bafouée et vide de sens. Les mots de la famille ont tout un sens, et une des scène les plus révélatrices de ce décalage avec la société et le dîner de la petite famille avec celle de la belle-soeur de Ben. 

Captain Fantastic // Matt Ross

Ben a tendance à traiter ses enfants comme des adultes, et on dirait bien que ça leur réussit sur beaucoup d'aspects. Et bien évidemment, cela donne lieu à un comique très efficace, qui accompagne ce souffle de liberté et ce rejet du conformisme social. 

Et pourtant, très vite va se révéler la véritable lacune de l'éducation de Ben: les enfants ne sont pas capable de vivre en société. Aucun des personnages n'a jamais eu de rapport social avec qui que ce soit, et les livres ne permettent pas de comprendre la réalité actuelle; la théorie ne vaut rien sans la pratique. Et quand Bo rencontre pour la première fois une fille qui lui plaît, il fait exactement comme dans les livres, créant ainsi un effet de comique imparable. Et c'est à cause de cela que va se poser la question du détachement par rapport au père; Bo voit son père comme un héros, et son admiration pour lui semble sans limite. Et à force de vouloir décider de tout, Ben s'enfonce dans une autorité parfois démesurée, contre laquelle les enfants, et surtout Rellian, vont finir par s'insurger. Seul petit reproche que je ferais au film: la facilité de "l'amour plus fort que tout" dans la rébellion de Rellian, laquelle n'était pas assez poussée à mon goût, voire parfois délaissée. 

Authenticité

Captain Fantastic évite à merveille tous les clichés du hippie drogué qui rêve d'un idéal sans réflechir pour autant. Au contraire, le film donne à réfléchir. Tout n'est pas tout noir ou tout blanc, et la logique du compromis est une fin inévitable (et donc plus ou moins prévisible). De même, la société n'est pas dépeinte dans un vulgaire cliché trop gros, mais c'est plutôt l'idéal de la famille qui est élevée vers une beauté supérieure. Et les images, le rythme, la musique (avec une très belle reprise de Sweet Child O' Mine des Guns N'Roses), servent cette beauté omniprésente, portée aussi bien évidemment par un jeu d'acteur très authentique, surtout pour Viggo Mortensen. Le mot "authentique" décrit à la perfection ce film bien pensé, dans lequel on se laisse très facilement emporté. On s'attache tellement aux personnages, qu'on voudrait en voir plus, et suivre chacun des enfants dans leurs aventures futures. 

Captain Fantastic // Matt Ross

Conclusion

Captain Fantastic est l'histoire d'un père non pas héroïque, mais absolument humain, avec ses idéaux et ses failles, et surtout une volonté de bien faire et un amour pour ses enfants parfois aveuglant. Cette humanité nous parle et nous touche tous, est c'est bien pour cela que Ben est un Captain Fantastic; bien plus, le film nous donne à réfléchir sur notre propre éducation et sur notre connaissance du monde. En sortant de la salle, on a envie de partir à la découverte d'un ailleurs, de se perdre dans une forêt américaine, et en cela Matt Ross signe un film unique, bien pensé, et surtout qui donne des envies de liberté. Pour conclure, emmerdons la société, et vivons comme nous le souhaitons, sans peur ni crainte ni enfermement !

Captain Fantastic // Matt Ross
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